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Football : le tabou du dopage

Après avoir longtemps fait l’autruche, le football traîne toujours des crampons pour engager une réelle lutte contre le dopage. Face à ce fléau, le silence apparaît comme un réel sport d’équipe… Pourtant, l’augmentation des cadences de matchs, la pression financière et médiatique sont autant d’éléments qui peuvent favoriser la triche.

"Ancien footballeur professionnel, j’ai subi pendant pas mal d’années des piqûres avant les matchs… Aujourd’hui, j’ai quelques problèmes de santé…"… Ce type de témoignages atterrit parfois au standard d’Ecoute Dopage. Seul l’anonymat permet de briser parfois le silence qui entoure le dopage dans le foot.

Autant chercher une aiguille dans un vestiaire

Football tabou dopage"Le foot est un sport technique où le dopage a peu d’intérêt"… Opposant sans cesse le cyclisme et le football, ce discours a longtemps été le leitmotiv des instances dirigeantes de la Fédération internationale de football (FIFA). Son président Sepp Blatter lui-même a longtemps défendu cette thèse au point de convaincre une partie du grand public. Ainsi, les 256 contrôles négatifs effectués pendant la Coupe du monde 2002 semblaient accréditer cette thèse. Mais le mythe du foot 100 % propre ne tient pas vraiment. Le ballon rond rassemble tous les ingrédients explosifs favorables au dopage : gros enjeux financiers, grosse pression médiatique, carrière courte des joueurs, inflation incessante du nombre de matchs, entrée dans la carrière à un très jeune âge…

Enfin, l’utilité même d’un recours au dopage apparaît évident, comme le souligne Dorian Martinez, responsable du service Ecoute Dopage, "Avec un peu de bon sens, on comprend que malgré tout son talent, un joueur (et à fortiori une équipe) sera meilleur s’il peut courir toute la durée du match comme un lapin plutôt que s’il tire la langue dès la 65e minute…".

La vieille Dame était accro aux médocs !

Depuis, plusieurs affaires de dopage ont secoué le monde du ballon rond. Mais "secoué" apparaît comme un terme un peu excessif tant dans ce domaine, le monde du football peut parfois s’apparenter au monde du silence… Ni les déclarations d’Harald Schumacher dans son livre "Coup de sifflet" en 1987, ni les contrôles positifs successifs de joueurs vedettes comme Jaap Stam, Edgar Davids ou Fernando Couto, ni même l’éviction de Maradona du mondial américain en 1994 n’ont pas réellement bouleversé la tradition d’omerta du ballon rond. Et dans chacun des cas, le discours est bien rôdé : il s’agit là de comportements individuels ou d’erreurs liées à la prise d’un médicament ou d’un complément alimentaire par erreur et en aucun cas d’une pratique collective organisée par le club… Même si certaines rumeurs lancées par d’anciens joueurs comme Tony Cascarino ou Chris Waddle concernant l’Olympique de Marseille avait pu éveiller les soupçons, c’est bien le procès de la Juventus de Turin qui allait révéler l’ampleur du phénomène…

Entre janvier 2002 et novembre 2004, le procès mettra à jour 281 types de médicaments répertoriés dans la pharmacie de la Vieille Dame, des injections et des consommations de créatine systématisées (ce produit ne figurait alors pas sur la liste de produits interdits, Zinedine Zidane reconnaîtra lui-même en avoir pris), des résultats d’analyses sanguines troublantes pour plusieurs joueurs et finalement l’usage quasi-certain d’érythropoïétine (EPO) par Antonio Conte et Alessio Tacchinardi…Après une condamnation en première instance du médecin du club à un an et dix mois de prison, l’appel du Tribunal de Turin conclue en décembre 2005 à une relaxe de tous les accusés. Pouvons-nous encore avoir la naïveté de croire que ces pratiques ne concernent que l’Italie ?

L’omerta joue les prolongations !

Est-ce par peur de tuer la poule aux oeufs d’or ? Les différents acteurs du monde du football peuvent-ils réellement changer le cours des choses ?… Il semble qu’au-delà des moyens mis en oeuvre, les fédérations nationales ou internationales n’affichent pas une réelle volonté. En France, le Dr Jacques Liénard avouait dans le magazine "So foot" que le risque d’être contrôlé en Ligue 1 et en Ligue 2 était de 0,05 % (une chance sur 2 000) ! Au niveau international, la FIFA a traîné les pieds pendants plus de trois ans avant de se conformer finalement au code de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA)... Elle ne l’a finalement fait qu’après que l’AMA a menacé d’exclure le football des Jeux Olympiques et en ne revenant toujours pas sur son système de sanction au cas par cas. "Que le sport universel reste en dehors de la lutte antidopage apparaît malheureusement assez révélateur" regrette Dorian Martinez, qui avance finalement plusieurs pistes pour un sport plus propre :

   Simplement dire "on est concerné par le dopage" est un préambule indispensable ;
   Diffuser l’information sur le dopage et les produits dopants et soutenir des initiatives de prévention sont autant d’éléments de réponse ;
   Réduire les cadences infernales avec parfois un match tous les trois jours. Pourquoi pas définir demain un quota de nombre de matchs par joueur à ne pas dépasser ?
   Comme le demandent beaucoup de joueurs (Laurent Blanc, par exemple) supprimer des compétitions inutiles qui vont mettre en péril les joueurs les plus sollicités en club. La Coupe des Confédérations programmée en période de trêve en est le parfait exemple. A force de tirer sur le physique des joueurs, il y a forcément de la casse. Le décès de Marc Vivien Foé lors de cette compétition en est le triste exemple…
   Enfin, la prévention ne saurait être efficace sans une répression dissuasive. La multiplication des passe-droits et des sanctions minimalistes ôte tout crédit à la lutte antidopage.

Mais au niveau européen, quelques améliorations sont notées. "L’UEFA commence à afficher les contrôles positifs sur son site, à diffuser une information sur le dopage. Mais en oeuvrant en totale autarcie, elle commet encore de trop nombreuses maladresses comme celle de dire que le dopage n’améliore pas les performances. En prenant les sportifs pour des imbéciles, on risque de desservir la lutte antidopage" conclut Dorian Martinez.

Le silence qui entoure le dopage dans le football se fait principalement au détriment des joueurs qui y laissent leur santé et parfois la vie. En 2003, le rapport demandé par le juge italien Raffaele Guarinello dressait un tableau pour le moins alarmant : en étudiant 24 000 anciens footballeurs professionnels italiens, il apparaît que ces sportifs sont deux à dix fois plus fréquemment touchés que le reste de la population par le cancer du côlon, du foie, de la thyroïde, la leucémie ou la sclérose.

David Bême




10/07/2007
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