Mauvaise foi boursière
9 novembre 2007 à 15:49
Un homme amoureux à la fois du football et de la bourse relève-t-il du mariage de la carpe et du lapin ? Pas nécessairement. Vous en connaissez au moins un dans votre entourage. A la question : le football et la bourse sont-ils l’avenir des bords du stade, il vous répondra que oui. Et toujours d’un oui franc, généreux, massif et peut-être même sincère. Une bonne et saine gestion ne peuvent que conduire à la rentabilité et au profit. L’exemplarité de la gestion se traduit nécessairement dans le résultat comptable. Vous aurez alors beau jeu d’évoquer l’endettement des clubs italiens, les expériences anglaises qui ont conduit à des retraits boursiers. Rien n’y fera. Lorsqu’on aime la bourse, c’est pour la vie.
Aveuglement ? Croyance suspecte ? Passion de jeunesse pour Gordon Gekko (héros du film Wall Street d’Olivier Stone – 1987) ? Foi dans le capitalisme ? On ne le sait jamais. Le football serait-il soluble dans le CAC 40 ? La colère, la moquerie ou l’ironie ne dévieront jamais la route de ceux pour qui la bourse et le football sont les deux mamelles du sport moderne. « Une idée fausse mais claire a toujours plus de poids qu’une idée juste mais complexe » (Alexis de Tocqueville). Ce à quoi on ajouterait : mais une idée fausse m’éclaire.
Evidemment, cela n’est rien. Mais tout de même. Il est pourtant si facile de mettre ces marquis de la finance face à leurs contradictions. Un remède existe. Il est simple. Il suppose quelques euros. Faîtes-vous plaisir.
La première étape consiste à acquérir une action OL GROUPE, code ISIN : FR0010428771. Pour les plus scrupuleux, le terme ISIN, plus exactement l’acronyme ISIN, signifie International Securities Identification Number. Soit l’identifiant international pour une valeur mobilière.
Outre la valeur de l’action, votre banque prélèvera une commission bancaire, généralement forfaitaire. Ce coût a pour effet de fausser le calcul de la moins value réelle lorsque l’on détient une seule action. Mais la dépense existe. Elle doit être comptabilisée.
La deuxième étape consiste à attendre. Votre serviteur a par exemple acquis le 5 juin 2007 à 9 heures 6 minutes et 11 secondes une action OL GROUPE au prix de 22 Euros, outre une commission bancaire de 7,33 Euros, soit un investissement de 29,33 Euros. Laissez reposer quelques semaines.
Le 3 octobre 2007 à 17 heures 17, l’action OL GROUPE valait 19 Euros. Nous étions le lendemain de la défaite à domicile de l’Olympique Lyonnais en champion’s league contre l’équipe des Glasgow Rangers (0-3). Projeté sur une année, le cours avait perdu 20,83% à cette date. Pour ce qui nous concerne, la baisse était de 35,22%.
L’établissement bancaire ayant assuré la transaction indiquait sur son portail internet que « les performances passées ne peuvent préjuger de performances futures ». Une formation boursière était également recommandée. Nous n’en doutions pas ! Mais pour l’action OL GROUPE, le passé n’éclairait pas le futur, l’action n’ayant été introduite qu’au mois de février 2007 au prix de 24 Euros l’action. Et pour ce qui concerne l’influence des résultats sportifs sur le cours de l’action, n’espérez pas non plus de relation de cause à effet. Le 8 octobre 2007 à 14 heures 53 minutes et 27 secondes, l’action OL GROUPE valait 18 Euros et 52 centimes. L’Olympique Lyonnais avait battu Bordeaux le dimanche 7 octobre (1-3)…
Le 7 novembre 2007, un mois plus tard, à 15 heures 40, l’action OL GROUPE valait 19 Euros et 36 centimes. Projeté sur une année, le cours avait perdu 19,33% à cette date. Pour ce qui nous concerne, la baisse était alors de 33,99%. Le soir même, l’Olympique Lyonnais allait affronter la redoutable équipe du Vfb Stuttgart en ligue des champions.
Et un lendemain de victoire n’y changerait rien. L’Olympique Lyonnais s’imposait à domicile en champion’s league le 7 novembre 2007 sur le score de 4 à 2 face à Stuttgart (11ème de son championnat national à la douzième journée avec 16 points). L’action OL Groupe cotait 19 Euros à l’ouverture le 8 novembre 2007, soit une baisse de 2,01% par rapport à la veille. A 10 heures 47 minutes, l’action affichait une valeur de 18,91 Euros, soit une chute de 2,48% par rapport à la veille.
La troisième étape, la plus agréable, consiste à revenir vers vos histrions du capitalisme moderne. Aux données brutes précédemment évoquées, ils prétexteront qu’une année doit servir de recul. Ils soutiendront que le long terme commande d’attendre. Ils diront que la prise en compte de la commission bancaire fausse le calcul. L’exemplarité de leur mauvaise foi sera votre victoire. La face marmoréenne que vous opposerez renforcera le ridicule de leur enthousiasme.
Faut-il en déduire que le club le mieux géré de France relève de l’arnaque boursière ? Ce serait faire injure à la grandeur de la bourse, au génie éclairé du Président de l’OL. Reste alors une question. Pourquoi investir dans l’OL GROUPE ? Pour répondre à la finalité de la bourse : obtenir des capitaux pour financer des investissements autrement que par le crédit. Mais fallait-il être autant aveugle pour occulter que l’économie libérale ne fonctionne que pour le capital et le profit ?
Il ne vous reste plus qu’à tenter par vous-même le pari en prenant bien soin d’inviter vos amis à combler votre moins-value en cas de chute de l’action. Les belles âmes qui soutiennent la vigueur boursière de l’OL GROUPE se doivent de payer votre perte financière. Etre de mauvaise foi suppose avant tout d’être prudent…
Jean-François BORNE